mardi 24 avril 2012

Le Charme de Venise



    Venise est elle-même une grande maison dont il faut posséder certaines clefs 
pour pouvoir y entrer et savoir en sortir ....
Elisabeth Vedrenne©Demeures secrètes de Venise


Je vais continuer avec le texte de Elisabeth Vedrenne qui me plaît bien.

     Elle nous tient par les sens.
     Dès qu'on y met le pied, on retrouve la vue, l'ouïe, l'odorat, le toucher. Tout y est mouvant mais harmonieux. On réapprend à se tenir en équilibre. On se cogne contre de vrais corps, on rencontre les visages. Au royaume du piéton, on marche le nez en l'air, les yeux dans d'autres yeux, ou la tête baissée vers le sol en chevrons, le cou tordu, inquiet de rater quelque chose. On redevient animal. 
On entend tout. On met du temps avant de reconnaître ses propres pas qui résonnent sur les dalles, 
on apprend le raclement de l'eau sur le bord des fondamente, ses coups de langue sous les ponts,
ses clapotis. On distingue les rires, la radio, les voix stridentes des femmes, les invectives entrecroisées des gondoliers, les remarques insupportables des touristes, le glissement des paniers qui s'élèvent en raclant les murs, le claquement d'une persienne, tous les petits bruits attachants de la vie quotidienne qui avaient déserté nos oreilles assourdies et qui soudain paraissent importants, neufs, à cause de leur résonance sur un fond de silence inhabituel.
     Et puis il y a l'odeur. Toujours forte, toujours âcre. Excessive. Parfois puante, polluée, insupportable. Généralement bouleversante, enivrante, gênante tant elle est sensuelle. Relents de canal et de vase mais aussi bouffées de haute mer, senteurs exquises des glycines et des gardénias venues des jardins clos, invisibles derrière leurs hauts murs de brique lentement rongés par les brumes hivernales, qui exhalent des odeurs de saumure ou de mousse. Effluves musquées, étranges. Parfums mouillés, salmigondis d'exhalaisons impossibles à différencier : même le salpêtre piquant des murs lépreux vous fait respirer la vie oubliée...


Texte de Elisabeth Vedrenne dans son introduction : Vivre à Venise
Demeures secrètes de Venise © Albin Michel-1990

4 commentaires:

  1. merci pour ce beau moment d'évasion. bises Laurence

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  2. Tout y est et tout est vrai!!
    Beau texte ! Et belles photos!
    Tous les sens en éveil, je ressens dans mon rêve éveillé, Venezia...

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  3. Laurence, quand je suis loin d'elle, c'est à tous ces petits moments dérobés auxquels je repense et qui défilent dans ma tête, j'en ressens l'atmosphère, c'est vrai qu'elle éveille tous les sens !
    bises
    Danielle

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  4. Martine, je vois que tu es d'accord avec moi ! Le texte est assez ancien, mais hier comme aujourd'hui, elle nous réserve les mêmes sensations. Lorsque nous sommes de retour chez nous, les images de Venise continuent de hanter nos pensées...
    bisous

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