UN JARDIN À VENISE
[...] D'autant que Venise n'est en rien monotone. Elle est d'humeur changeante plus que tout autre endroit sur la terre. Les couleurs y varient tout autant en un jour, parfois même en une heure, qu'elles le font dans les contrées nordiques en un mois ou en une saison. Prenons un peintre. Il trouve un sujet selon son coeur - de fait, il a l'embarras du choix. Il y travaille une première journée, disons même une deuxième, au terme de laquelle il contemple, satisfait, la façon dont il a capté le coloris qui l'avait d'abord enthousiasmé. Mais voilà qu'une perturbation atmosphérique le fait douter de son travail. Telle lumière dorée est désormais argentée, telle ombre d'un bleu léger baigne à présent dans une riche teinte digne du cinquecento. Notre peintre doit modifier l'ensemble de sa palette ou s'en retourner chez lui. Le lendemain, ce peut être pire encore, et il se pourrait bien qu'il ait à attendre de longues semaines avant de retrouver l'effet qu'il n'a pas eu le temps de rendre. Voilà pourquoi certains tableaux de Venise, exécutés en studio, évoquent si rarement à celui qui la connaît bien la cité de la lagune, cependant que l'esquisse rapide, fidèle au regard et à l'appréciation de l'artiste au coup d'oeil sûr et à la main experte, est si belle.
Or ce changement d'humeur qui désespère l'observateur le plus attentif, fait la joie du flâneur, amant de Venise. Ces sautes d'humeur et de couleur font son bonheur, ou du moins le devraient. Pourquoi devrait-il jamais se lasser de cette volage maîtresse ? Il s'en lasse d'ailleurs rarement. Il se promène aujourd'hui où il se promenait hier. La lagune, les îles, les édifices : tout est bien là [...]
(extrait du chapitre II - A Garden in Venice - de Frederic Eden © Le serpent de Mer, très belle édition que j'ai en ma possession)
Sources : Venise Insolite et Secrète Thomas Jonglez et Paola Zoffoli, p.365 du guide.
* On trouve dans le prénom Friedrich la racine "Frieden" qui, en allemand signifie "paix".
** L'épopée de la création du jardin se découvre dans un charmant petit livre : Un jardin à Venise (Editions Actes Sud), publié pour la première en anglais à Londres en 1903.
J'ai devant les yeux un dessin de Hugo Pratt où le beau Corto appuyé contre un puits, fumant une cigarette, tient ce discours à sept "suriani" : Dans le Jardin d'Eden, il y avait de tout. Foie de volaille, petits rognons, viande hachée, petits poissons rouges et bols de lait. Mais il y avait une chose que l'on ne pouvait manger : " L'arête de poisson interdite" qui poussait...
(page 134 Venise Itinéraires avec Corto Maltese- Porte de la Couleur)
Un endroit que je ne connais pas - un de plus à visiter, ou à fréquenter ! Très beau billet, très évocateur : merci !
RépondreSupprimerMagnifique comme toujours... Ce blog est un délice, une gourmandise pour tous les amoureux de Venise.
RépondreSupprimerMerci à toi Gine, oui une belle promenade, mais frigorifique ce jour-là ! À refaire par temps ensoleillé et plus doux, pourquoi pas au coucher du soleil...
RépondreSupprimerBon dimanche
Bonjour Araucaria et merci pour les visites, je n'ai pas encore repris le rythme.
RépondreSupprimerComme à chaque fois Venise est un enchantement malgré le froid ce sont des moments d'émerveillements et de pur bonheur !
à bientôt
Danielle
L'histoire du Jardin d'Éden que je viens de lire est passionnante. Connaissant le type d'architecture de Hundertwasser, rien d'étonnant à ses propos sur le jardin sauvage...
RépondreSupprimerBisous et bonne fin de journée
Merci ma belle pour ce magnifique billet! Oui, je pense que si le paradis existe, il doit ressembler à un lieu caché dans Venise!
RépondreSupprimerBisous, bisous et très belle semaine
Un lieu caché dans un endroit totalement inconnu pour moi : la Giudecca. Je n'en connais que la silhouette du Redentore depuis les Zaterre. Et là, tu nous parle d'un jardin d'Eden...Le rêve est au bout de tes lignes et de tes photos...
RépondreSupprimerBisous
Le charme de la Giudecca est infini. Ton récit nous emporte dans le passé de ce mystérieux jardin et tes photos nous plongent dans la délicate beauté de ce lieu où une barque d'un bleu étourdissant se balance, suavement enlacée par une eau glacée qui ensemence les murs usés des pyramides de ses coquillages.
RépondreSupprimerJe t'embrasse.
J'aime beaucoup ta série de photos, particulièrement les barques. Il y avait une belle lumière que tu es passée par-là. Je te souhaite une belle journée!
RépondreSupprimerBises
Tilia, dans l'histoire des propriétaires, il y a eu la princesse Aspasie de Grèce qui épousa le roi de Yougoslavie en exil. Après la Seconde guerre mondiale, elle retourna vivre à Venise où elle avait passé une grande partie de son enfance et vécut à la Giudecca jusqu'à sa mort en 1974. Abandonnée par son roi, elle perdit la raison - les habitants de la Giudecca la surnommait la "toquée" - et le jardin fit l'objet d'une malédiction. C'est sans doute ce qui explique que, bien que déclaré "monumento nazionale" après 1945, il fut occupé à partir de 1979 jusqu'à sa mort en février 2000 par l'artiste autrichien Hundertwasser.
RépondreSupprimer"Tout Venise prétend que j'ai payé ce jardin plus d'un milliard alors que je ne suis pas propriétaire" confia l'artiste à l'écrivain Jean Clausel.(sources Postface du livre)
bisous
Belle Kenza, je suis bien d'accord avec toi, si ce n'est pas en ce lieu, c'est certainement dans un autre jardin de la lagune !
RépondreSupprimerJe t'embrasse
Nath, le rêve est au bout de chaque lieu secret de Venise !
RépondreSupprimerPlus je la connais, plus j'en découvre. C'est Venise toute entière qui est un rêve éveillé.
Bisous
merci, oui Venise est toujours surprenante et attirante
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