dimanche 10 janvier 2010

LA VILLE DE TOUS LES EXCES


"Venise, aussi bien, n'est pas seulement une ville de fantaisie et de liberté. Elle est aussi une ville de joie et de plaisir." [Peggy Guggenheim]

Où vit-on des danseurs au bout de feuilles mortes,
Tant de lions couchés devant le seuil des portes,
Tant d'aiguilles de bois, de dentelles de fer,
De dentelles de marbres et de chevaux en l'air ?
Où vit-on tant de fruits qu'on charge et qu'on décharge ?
Tant de Jésus marcher sur l'eau,
Tant de pigeons marchant de long en large
Avec habit à queue et les mains dans le dos ?
Où vit-on, d'un orteil, tenir sur une boule
Un homme armé d'un parchemin ?
Où vit-on labyrinthe encombré d'une foule
Qui jamais ne perd son chemin ?
Où vit-on flotter tant d' épluchures d'oranges,
Tant de ronds, de carrés, d'ovales, de losanges
Où vit-on des bustes charmants
Glisser, les bras tendus, sur le bord des terrasses ?
Où vit-on manger tant de glaces ?
Où vit-on des radeaux être de belles places ?
Où vit-on sur un pied dormir les monuments ?
Où vit-on un palais qui penche
Attendre quoi ? debout et le point sur la hanche ?
Où vit-on sur la mer machiner un décor ?
Tant de filles en deuil et tant de dames blanches
Se mettre au carnaval une tête de mort ?
Où vit-on parcourir avec paniers et boîtes
Tant de porteurs légers qui n'ont que des mains droites ?
Où vit-on atteler des hippocampes d'or ?
Jean Cocteau
Dans la préface d'un ouvrage de Michel Déon intitulé Venise que j'aime, Jean Cocteau (1889-1963) qui se rend dans la cité lagunaire pour la première fois en septembre 1908, mêle ironie et émerveillement afin de décrire la ville au présent, au quotidien, dépourvue de sa patine romantique


2 commentaires:

  1. Merci pour ce magnifique poème qui décrit si bien les innombrables beautés de Venise ! J'aime beaucoup votre première photo en partant du haut.
    Anne

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  2. Très beau texte les images pétillent comme un feu d'artifice, quelle magnifique description de la ville ! Moi j'adore la photo du milieu.Merci Danielle.
    Marisol

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