...Venise m'a confié, en échange de mon attentive tendresse, quelques-uns des secrets de son silence et de sa beauté.
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C'est une heure délicieuse que celle où, au crépuscule, Venise s'allume. Elle prend un air de mystère et de secret.
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Quand la clarté du jour s'est éteinte, quand l'ombre et le silence l'enveloppent de leur mystère, on a besoin de sentir battre son coeur nocturne et de voir s'éclairer son obscur visage.
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...Ce n'y est pas encore le grand silence nocturne, mais Venise a sa façon à soi d'être bruyante. Les voix, les pas y résonnent dans l'air aisément sonore et tout se répercute dans ses longs couloirs de pierre et d'eau.
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Nous y entrons sous le signe du silence et de l'ombre. La molle odeur lacustre de tout à l'heure s'est changée en une odeur saline, plus âcre, plus forte, une odeur de port et de marée. Nous glissons sur de minces canaux qui creusent des coupures entre de hautes façades de marbre ou de brique où le clair de lune laisse apercevoir de bizarres lucarnes, des sculptures en saillie, des avancées de balcons. Tantôt ces façades ont leur base dans l'eau, tantôt elles reposent sur d'étroits quais dont la dalle résonne au pas d'un rare passant. Il est tard et c'est une Venise déjà endormie qui s'offre à nous, où veille seule la lumière des réverbères et de quelques fenêtres encore éclairées. J'entends dans le silence, au croisement des canaux, le cri rauque et mélancolique des gondoliers dont je vois parfois se dessiner, grandir, se casser sur un mur côtoyé l'ombre ramante qui se courbe à l'approche d'un pont arquant son arche unique, ornée d'un macaron grotesque. Ne semble-t-il pas nous railler, ce gnome barbu, et nous avertit que nous ne sortirons jamais de ce labyrinthe nocture ? Soudain, à l'angle d'un palais où sont encastrés des médaillons byzantins, apparaît le Grand Canal !
Il s'étend, magnifique et lunaire, mais nous ne faisons que l'entrevoir un instant, car la gondole l'a traversé de biais pour s'insinuer de nouveau dans le dédale de l'autre rive, et c'est de nouveau la même vogue silencieuse, ces mêmes façades obscures ou enlunées, ces mêmes ponts courbes où grimacent des mascarons barbus, la même odeur marine.
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Henri de Régnier (la vie vénitienne, 1928)
Tes photos sont belles.
RépondreSupprimerJe trouve Venise la nuit encore plus mystérieuse et envoûtante.Dans Esquisses Vénitiennes,le même Henri de Régnier dit:
....une de ces nuits tranquilles où le Grand Canal est comme un fleuve de verre.J'appellerai le gondolier somnolent et je monterai dans sa gondole qui ressemble au croissant d'un astre noir.....je laisserai par plaisir au gondolier,une grande pièce d'argent,neuve et ronde comme cette pleine lune qui brille dans le ciel de Venise,au-dessus de la Salute
Venise la nuit est encore plus féérique!! J'aime me promener sur le Grand Canal de nuit, on peut apercevoir tout le luxe intérieur des palais qui brillent de mille feux...
RépondreSupprimerTrès belle soirée
Ces photos sont magnifiques.
RépondreSupprimerJ'adore Venise la nuit mais je la préfère au petit matin, dans les premiers rayons du soleil..., quand nous avons devant nous une longue journée vénitienne...
Norma
Merci Françoise, pour ces belles lignes d'Henri de Régnier qui viennent compléter celles que j'avais choisies pour illustrer ce billet.
RépondreSupprimerKenza, effectivement il y a une magie, la nuit sur le Grand Canal ! Parfois, bloquée dans un coin du vaporetto de la ligne 1 (il y a toujours affluence), malgré le froid, je reste à scruter les étages nobles où de magnifiques lustres brillent de mille feux, dans l'attente d'apercevoir une fête d'une autre époque...
RépondreSupprimerNorma, pour notre bonheur,à Venise, tous les moments de la journée nous réservent "l'instant" que nous préférons...je suis bien incapable de vous dire lequel, puisque il peut changer à chaque visite, chaque jour, chaque saison selon mon humeur...et c'est cela que j'aime !
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