photos ©Catherine Hédouin
...Oui, et je tiens à le bien établir, mon amour pour Venise fut toujours un amour sain et simple, un amour familier, exempt aussi de romantisme, réaliste si l'on peut dire et fait de convenance à la fois spontanées et réfléchies. Venise me plaît infiniment. J'aime son climat, sa couleur, sa lumière. Le genre de vie qu'elle permet et qu'elle impose s'adapte à mes goûts. J'y jouis d'un bien être particulier au milieu des choses qui occupent agréablement mes yeux et mes pensées. Nulle part, mes journées ne s'écoulent avec une plus douce facilité et la solitude même y est sans amertune. Nul lieu au monde où l'on s'appartienne mieux à soi-même et où l'on se supporte avec moins d'ennui. Ce genre de satisfaction que me donne Venise m'explique pourquoi j'y ai fait peu de connaissances, ce qui me fut facile, n'étant pas de ceux dont la présence sollicite la curiosité. D'ailleurs, j'ai toujours évité de me trouver à Venise à l'époque où elle devient le rendez-vous à la mode et où les belles mondaines, les snobs désoeuvrés et les esthètes prétentieux tiennent leurs assises sur la place Saint-Marc avec le sentiment d'accomplir un rite de haute élégance, de suprême chic et de raffinement inouï.
Sur ce point encore, je me permets d'insister. Jamais je ne me suis cru obligé de vivre à Venise "autrement" qu'ailleurs, dans une exaltation particulière et dans un état d'esprit inaccoutumé. Jamais je ne m'y suis attendu à des impressions exceptionnelles. Venise ne fut jamais pour moi la "Ville du Rêve" (bien qu'à écrire ces mots je ressente une hésitation que l'on comprendra mieux par la suite) ; au contraire, je ne lui demandais rien de plus que sa charmante, son originale, sa douce réalité. Qu'on y descendit de wagon pour monter en gondole me paraissait tout naturel et ne me suggérait aucun étonnement. La gondole me semblait un véhicule comme un autre. J'étais insensible à son prestige de romance, mais j'appréciais l'élégance marine de sa forme, ses qualités nautiques, tout en lui préférant de beaucoup la promenade à pied parmi le dédale des "calli". En un mot, le fait d'être à Venise ne me conférait à mes propres yeux aucune dignité spéciale. Je n'en concevais ni orgueil, ni vanité. Venise me plaisait ; je l'aimais ; je subissais avec joie son charme et son prestige, mais je n'en attendais que ce qu'elle donne à chacun. Je ne suis pas de ceux que Venise a ensorcelés par avance et au doigt de qui elle a passé son anneau magique, et je ne me suis jamais drapé dans le manteau du romantisme vénitien...
L'entrevue (tirée des contes vénitiens) Henri de Régnier (à Mme Henri Farge)
Sublime...
RépondreSupprimerExcellent Week-end,
Nathanaëlle
La lumière sur l'eau est très gentille et douce sur mes yeux fatigués. Merci, Danielle! Bisous à toi et Micio.
RépondreSupprimerHenri je ne suis pas d'accord avec toi Venise t'a bien ensorcelé comme tous les autres par contre ta vision d'une Venise familière m'enchante moi aussi. Catherine tout le charme des différentes Venise en trois clics et déjà le charme opère. Danielle à nouveau tu as subtilement dressé la toile où littérature et images s'unissent pour mieux évoquer ta passion.
RépondreSupprimerBisous
De belles photos... J'aime beaucoup le gondolier de dos ! Ce texte aurait pu être écrit par toi, Danielle, non ?
RépondreSupprimerNath, je te souhaite un excellent week-end aussi, ici il fait beau et au soleil presque doux, cela me donne des envies de printemps, vivement !!!
RépondreSupprimerShelley, ces photos sont réellement prises fin janvier et début février...ce sont donc de douces couleurs hivernales.
RépondreSupprimerbisous
Danielle
Marisol, j'ai choisi ce texte adressé à Mme Henri Farge, car son nom m'a donné des réminiscences. Effectivement j'ai connu cette Dame, vers la fin de sa vie, lorsque nous habitions à Paris. Ange possède d'ailleurs un des chevalets de Henri Farge, si j'avais su à ce moment-là, mais je ne connaissais pas encore Venise...
RépondreSupprimerbisous
Danielle
Oh ! Martine, tu es trop mignonne, certes je pense la même chose, mais je suis loin de savoir écrire aussi merveilleusement que Henri de Régnier.
RépondreSupprimerBon week-end et bisous à toi