©Catherine Hédouin
©Catherine Hédouin
©Catherine Hédouin
Un soir de lune rousse et cotonneuse il se perdit dans la lagune. Le soleil couchant avait embrasé l'horizon badigeonnant à plein bras l'or et la pourpre, le vermeil et le rubis. Les yeux éblouis par tant de magnificence il s'était arrêté de pêcher et le temps coula au fond de l'eau. Des lambeaux d'obscurité tendirent le ciel de leurs sombres présages. Le miroir de l'eau s'épaissit. Il tenta d'écouter tous les bruits des alentours mais rien ne vint éclairer ses pensées. Il rama à l'aveuglette confiant sa vie au destin. Le voyage fut long. Il rama des heures durant hors de portée de la moindre terre. Il connaissait pourtant bien sa lagune et la peur lui tenaillait le ventre. Tout cela n'avait rien de naturel ! L'eau à perte de vue mêlait les sombres vapeurs du ciel à celles de la mer. Des dents pointues sortaient parfois d'îlots en loques et rayaient de noir l'obscurité. Une seule lueur pointait son museau inquiétant tout là haut. Il refusait de lever les yeux vers elle mais la maligne le saisit plus d'une fois par surprise dans l'écume de sa rame. Il pensa très fort à sa mère, elle devait l'attendre, elle aussi devait avoir peur. La brume coulait en gouttes acérées sur sa nuque raidie par l'effort. Il se mit à chanter, chaque fois qu'il avait eu peur il avait chanté. Sa voix claire et grave l'enveloppa de douceur. C'était sa mère qui lui avait transmis les chansons contre la peur. Dans sa lignée les femmes se les passaient de mère en fille. Malya n'avait pas eu de fille et isolée très tôt de sa famille par son mari elle n'avait eu auprès d'elle que son fils de son sang. Alors elle avait transgressé toutes les règles. Après la mort prématurée de son mari elle avait transmis à son fils unique tout son savoir de haut lignage et notamment ces chansons contre la peur.
La brume s'obstina dans son obscurité mais les sens de Myrlio décuplèrent et il sentit sous sa rame une eau plus légère. Il aperçut bientôt une pépite de clarté dans le lointain. Retrouvant sa vigueur il se dirigea vers elle. Les bruits habituels remontèrent un à un jusqu'à ses oreilles. Il retrouvait ses sensations et ses repères. Mais il n'était pas au bout de ses peines. Loin de l'autre côté de l'eau, sa mère avait entamé ses incantations. Elle savait où il allait. En enfreignant les règles des anciens elle avait éveillé leur colère. Leurs yeux séculaires ne pouvaient entrer dans les nimbes de l'enfance mais lui déjà en sortait. Jamais aucun homme n'avait eu sa beauté. Elle avait tout fait pour la dissimuler aux yeux de tous. Aucun garçon ne fut aussi mal vêtu, lavé et coiffé par une mère pourtant attentive et aimante. Mais son stratagème perdait de son effet au fur et à mesure que devenant un homme il s'éloignait de sa zone d'influence. Le jour du solstice d'été devait consacrer tous les garçons de quatorze ans en âge du feu. Les danses des moissons réunissaient tout le village en joyeuses farandoles autour du brasier. Les jeunes gens de l'année précédente avaient par malice entassé trop de fagots pour ridiculiser leurs futurs rivaux. Mais sans le savoir Myrlio leur réservait une incroyable surprise....
(à suivre)
extrait de la nouvelle "la maison des cinq têtes" ©de Marie-Sol Montes Soler-
Avignon le 11.10.2010
Oh les splendides photos de Catherine, un univers fantastique, presque irréel...
RépondreSupprimerBisous, Danielle.
Norma
Avec deux alliées de cette veine comment ne pas faire un sublime billet
RépondreSupprimerBises
Les photos sont sublimes .Quant au texte, je me régale et j'attends la suite avec impatience. Quel talent et quelle belle plume pour le servir...j'apprécie pleinement!
RépondreSupprimerJ'adore l'ambiance de cette nouvelle et tout particulièrement l'idée des chansons transmises pour lutter contre la peur. J'ai hâte de lire la suite!
RépondreSupprimerAnne
Norma, il fallait bien trouver un univers iréel avec les mots de Marisol, il y a des jours où j'aimerais être une petite fée pour d'un coup de baguette magique...
RépondreSupprimerbisous
Et bien merci pour ce que tu dis Françoise, ma tâche devient "hard" parfois, tu sais !
RépondreSupprimerDonc je ne m'en sors pas trop mal,d'après ce que tu dis.
Certaines de mes photos inspirent Marisol et j'ai la chance qu'elle me raconte une histoire.
Puis c'est le regard merveilleux de Catherine qui vient illustrer sans fin la suite de l'histoire. Effectivement tu as raison avec deux alliées pareilles je ne risque pas de tomber "le bec dans l'eau...de la lagune" !!!
Merci Danielle, la suite arrive...
RépondreSupprimerMes deux copines ont du apprécier tes gentils mots.
bisous
Vous aimez donc les contes et légendes Anne, les histoies qui sortent de la brume épéisse de la lagune...
RépondreSupprimerBonne lecture pour la suite.
Je voulais dire la brume épaisse ! je devrais chanter un peu plus pour ne plus me mélanger les "pinceaux" sur mon clavier !!!
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