La lumière aujourd'hui sur la lagune est tellement épuisée que le blanc du ciel et de l'eau n'est qu'une absence de couleur, et contre la lumière, le vert des feuillages et le noir et la brique une seule obscurité cendrée. Là où frappe le soleil - mais peut-on parler de soleil, dans cet éclat diffus de métal blanc ? - sortent des couleurs de paille et de rouille, et des violets exsangues et des gris : la terre, les troncs des figuiers, les briques desséchées. Le noir n'existe que par l'élégante minceur de certains traits : le profil des îles lointaines, les herbes au bord de l'eau. Le blanc, seulement par calcination.
Tout cela apparaissait, vers midi, comme sous une bruine de lumière qui en estompait la dureté.
(extrait du Carnet vénitien de Liliana Magrini)
11 novembre ...
Venise toujours pluvieuse, une acqua alta est prévue sur les coups de midi Piazza San Marco
où je vais traîner mes bottes, un petit moment...
Un rayon de soleil me tente beaucoup. J'aimerais revoir Torcello, mais avec ses couleurs d'automne, peut-être avec une légère brume.
Direction les Fondamente Nove pour prendre le vaporetto qui m'emmène vers Burano et aussitôt vers Torcello.
Peu de monde, un accordéoniste perdu sur le chemin du ponte del Diavolo, joue un air qui me trotte dans la tête, je fredonne l'air, cherchant les paroles.
Il fait de plus en plus sombre, mais il ne pleut pas, je suis un peu déçue, les Tamaris qui envahissent l'île conservent ce vert un peu morne et les tons dorés que j'espérais ne sont pas là !
C'est en reprenant le chemin du retour que je découvre un petit chemin dérobé, juste derrière la Locanda Cipriani, et un autre canal qui se faufile dans la lagune. Le ciel s'éclaircit, quelques touches de bleu s'infiltrent entre les nuages.
Le jour commence à décliner, je rejoins un peu plus loin le ponte Del Diavolo où je traverse pour reprendre la strada del Rosina ...