Fenêtres vénitiennes
Texte d'Eléonore Mongiat
Photographies de Serge Bassenko
Venise est une des rares villes au monde... qui se fiche pas mal de la symétrie ! Elle met des fenêtres là où elle en a besoin, sans s'occuper de savoir si elles sont alignées, si elles ont la même taille, ou la même forme.
Pourtant, elle aime montrer de belles façades toutes décorées - celles qui étaient faites pour recevoir les hôtes et les marchandises - avec balcons sculptés et gracieuses ogives.
Mais le mur de briques réapparaît juste après le coin ; les fenêtres y sont plus simples, sans doute, mais tout aussi vivantes.
À Venise, les fenêtres sont faites pour se parler d'une maison à l'autre, pour étendre son linge, pour remonter la corde avec le petit panier que les grands-mères du voisinage ont garni de friandises.
Autrefois, les volets étaient ouverts et les mamans accoudées appelaient leurs enfants qui jouaient sur la place, ou elles discutaient avec la voisine du prix des courses, ou les papas donnaient de la voix au sujet de la barque qu'il fallait écoper après la pluie.
Et la plus élégante comme la plus humble des fenêtres avait ses pots de fleurs,
ou ses petites cages avec des oiseaux tout gais, ou de petits moulins à vent pour enfants qui tournicotaient avec un léger froufrou.
Dans les petits canaux, les fenêtres sont souvent presque à ras de l'eau, ou aujourd'hui à ras de terre quand le canal a été comblé. C'est là que l'amoureux venait sans bruit accoster sa barque et gratter au carreau de sa belle pour de tendres confidences.
Les fenêtres regardent avec bienveillance les petites cours intérieures, leur puits où on allait puiser l'eau et papoter avec les voisines,
et les jardinets feuillus où se cachent parfois d'amicales statues.
Les notes mélancoliques d'un piano caressaient le petit canal et les maisons, et s'envolaient au milieu des éclats de voix et de rires vers le carré de ciel lumineux qui se découpait entre les toits.
Aujourd'hui, les fenêtres sont fermées. Les Vénitiens d'autrefois ne sont plus dans leur ville ou n'ont plus l'âge de dévaler les escaliers pour retrouver les copains et rire de leurs jeux. La marée vient et s'en va, un autre monde est là.
Envie de prolonger encore un peu la promenade ? Venez flâner parmi les photographies de Venise de Serge Bassenko, et découvrir la vie qui se cachait derrière les fenêtres vénitiennes dans son roman " Il pleut, Venise en 1973 " :
Texte © Eléonore Mongiat
Photos © Serge Bassenko
C'est délicieux... Merci!
RépondreSupprimerUne remontée dans le temps très bien servie par les photos de Serge Bassenko et le texte de Éléonore Mongiat. Dans le fond Venise ne change pas, ce charme intemporel est son blason et même si elle croule sous les touristes elle garde dans maints petits coins cette vie gaie et frémissante décrite par Éléonore. Très belle journée Danielle.
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