mercredi 31 août 2011

VENISE, côté jardins












Le temps passe très vite à Venise, trop vite !
Cette journée, une des dernières de mon séjour, riche en moments où les heures se sont bousculées à une vitesse inimaginable. Nous arrivons déjà en fin d'après-midi.
Depuis la traversée du canal de la Giudecca avec le vaporetto, je vous ai emmenés à la Sacca Fisola, puis en haut du Molino Stucky pour admirer le paysage à 360° et ensuite contempler les merveilleux tissus chez Mariano Fortuny.
J'ai rendez-vous à L'Atelier pour retrouver Dominique et Muriel.
Notre petit trio d'amies se sépare à S.Eufemia et Catherine poursuit sa promenade le long des fondamenti et du canal. Je l'aperçois une dernière fois, depuis le vaporetto lorsque nous stoppons près de l'Eglise du Redentore.
Voilà où elle a terminé sa balade et grâce elle, je vous fais découvrir la campagne à Venise...

Parmi les endroits de rêve où j'aurais aimé séjourner, autrefois, c'était à la Casa Frollo.
Je me souviens d'avoir vu une photo de son jardin dans le livre L'Art de Vivre à Venise (Flammarion), que je venais de m'offrir en ce début des années 1990... pour me consoler d'être restée longtemps loin d'elle !
J'avais lu en légende que "l'intime, l'élégante Casa Frollo du XVIIIe siècle, sur la Giudecca, au confort parfois sommaire mais à la beauté toujours irréfutable, doit beaucoup de son charme- et de son silence- à son jardin romantique où il fait bon flâner et se recueillir, après les tourbillonnantes fatigues des journées de visite..." et dans le carnet d'adresses que je ne cessais de consulter et espérant repartir là-haut, j'avais lu : Giudecca 50, devant l'arrêt du vaporetto Zitelle, des meubles anciens, des chambres avec vue sur le bassin de Saint-Marc et des petites chambres calmes sur le jardin à l'arrière ; cette maison est à vendre ; il faut y séjourner avant que cette modeste pensione au charme vieillot ne soit trop fortement rénovée. !!!
Malheureusement je ne connaîtrai jamais ce petit charme vieillot, ce lieu de séjour privilégié des artistes et des écrivains ; le carnet d'adresses me servit bien sûr, mais lorsque je retrouvais enfin Venise, il était trop tard, l'ancien palais Volpi- Mineli devenu une Locanda au début du 20e siècle, s'était endormi pour deux décennies...

Aujourd'hui, la Casa Frollo s'appelle la Villa F et l'ancien couvent du XVIe adjacent à l'église des Zitelle, le Palladio que l'on dit mieux qu'un hôtel, une sorte de retraite privilégiée entre canal et jardins...
Pour ma part, je suis toujours à la recherche d'un rêve perdu !

lundi 29 août 2011

MARIANO FORTUNY Y MADRAZO, le peintre et le créateur


On ne quitte pas si facilement l'univers de Mariano Fortuny...

©Mariano Fortuny y Marsal le vendeur de tapis 1870
aquarelle sur papier, 59x85 cm.
Donation J.Sala Ardiz. Montserrat

©Mariano Fortuny l'odalisque 1861

Je suis allée voir l'exposition "L'orientalisme de Delacroix à Matisse" à la Vieille Charité de Marseille où j'ai vu de très beaux tableaux, mes préférences vont vers les oeuvres de Jean-Léon Gérôme, Jean Lecomte de Noüy, Jean-Auguste-Dominique Ingres...mais malheureusement je n'ai pas eu la chance de voir ces deux merveilleux tableaux de Marià Fortuny, le père (1838-1874).
Le numéro des dossiers de l'Art paru en mai au moment de l'évènement de cette exposition, qui vient de se terminer, nous fait découvrir malgré tout un article sur le palais-musée Fortuny.
"Un musée très discret", soie, velours et pigments : dans l'antre vénitien de Mariano Fortuny, créateur d'étoffes aux réminiscences orientales.(par Eva Bensard).


©Museo Fortuny
©Museo Fortuny

Ce type de robe, créé par Mariano Fortuny, autour de 1907, a été baptisé Delphos.
Breveté en 1909, le modèle Delphos sera répété, à peine soumis à quelques variantes, jusqu'à la mort de Mariano Fortuny. Inspiré du chiton grec porté jusqu'au 1e siècle avant Jésus-Christ, sa structure repose sur un simple rectangle de tissu qui s'appuie sur les épaules pour tomber librement. Ce modèle libère explicitement le corps féminin, à tout ajustement et chaque modèle est unique puisque c'est la silhouette de la femme qui la porte qui dessine la forme de la robe.
(sources spainsculture)

©Sacha Van Dorssen, éditions du regard

Byzance et la Renaissance hantèrent Fortuny

En 1900, Fortuny a vingt-neuf ans, son beau visage clair-obscur semble procéder de la pénombre d'un tableau du Greco. Dédaigneux du présent, il n'est épris que d'un lointain siècle d'or qu'il prétend faire revivre pour son plaisir. Il lui faut un lieu où faire triompher ce goût d'un sublime anachronique. Il traverse quelques ponts, jusqu'au palazzo Orfei. Cette ancienne demeure du XVe siècle ne retient plus grand chose des fastes praticiens de jadis. Les salles d'apparat ont été loties et cloisonnées en petites pièces où des artisans ont leurs ateliers. C'est dans l'une d'elles que Fortuny s'installe d'abord. Peu à peu, il reconquerra tout le palais, abolira les ajouts disgracieux infligés par deux cents ans de décadence. Fortuny déploiera son génie pour faire du palais qui porte aujourd'hui son nom, un univers selon son coeur.
Dans le grand salon-atelier qui prend jour par des fenêtres en ogive, une lumière argentée pénètre. Les murs disparaissent sous les damas mordorés et les brocards sombres parcourus de guirlandes couleur de lune. Fortuny compose ses étoffes comme un joaillier ses parures, il choisit des gemmes aux miroitements nuancés et les allie les unes aux autres : l'opale exalte l'améthyste, un ruban d'or gris souligne l'éclat d'une topaze fauve, la matité du jaspe relance les feux du grenat...(les Venises de Mariano Fortuny, texte François-Olivier Rousseau).

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... Avec sa femme Henriette il installe un prodigieux atelier, plus proche d'un athanor d'alchimiste (qu'il est d'ailleurs), d'où naîtront non seulement d'incroyables costumes de scène mais surtout des robes à l'Antique adaptées à l'impératif d'une seule mode ; qui libère les formes sans contraindre le mouvement, qui associe les couleurs les plus inédites au plissé éternel de "l'Aurige" de Delphes. Les fameuses "Delphos" sont nées avec leurs accessoires les "Knossos", les "Rhodos", et elles ne finissent pas d'apporter la perfection de leur élégance aux femmes des quatre coins du monde. Pour réaliser un plissé permanent, le "Petit Léonard", comme le taquinent certains en accolant cette formule pourtant méritée à son patronyme, conçoit une machinerie tout à fait révolutionnaire utilisant une technique ancienne mais qu'il n'applique qu'à un certain type de soie du Japon. Aucune robe n'est semblable à une autre, elles diffèrent soit par la forme soit par la couleur, mais chacune est sans défaut. C'est là le label Fortuny qui rend fou de jalousie un couturier aussi génial que Poiret qui fait pourtant mine de l'admirer...
(Les plissés du temps par Edouard Leo).

mercredi 24 août 2011

MARIANO FORTUNY Y MADRAZO, l'Artiste

Une curiosité constante fit de l'ingénieux Fortuny un artiste aussi polyédrique que prolifique. En premier lieu peintre, puis graveur, sculpteur, photographe, architecte et inventeur, aujourd'hui la définition restreinte d' "artiste" ne suffit pas à décrire Mariano Fortuny de manière appropriée.




La contribution de Fortuny dans le textile

Mariano Fortuny commença à fabriquer ses tissus légendaires dans les premières années du XXe siècle. Incroyablement durables avec un aspect presque mystique, ils devinrent vite très célèbres grâce à leur beauté inimitable et à leur versatilité.
Florence au quinzième siècle, Venise au dix-septième siècle, la Perse, l'Asie, l'Amérique du Sud, l'Egypte, la Chine et la Grèce : tous ces thèmes inspirèrent la production textile de Fortuny. Il utilisa ses compositions de teintes et de pigments basées sur les anciennes techniques des maîtres, conférant ainsi à ses matériaux un aspect ancien et authentique.

Au niveau international, ses contemporains applaudissent le travail de Fortuny parce qu'il allait au-delà de toute description et qu'il ne pouvait être exprimé en aucune langue. Les tissus de Fortuny étaient si entourés de mystère que des rumeurs infondées de sorcellerie et de magie commencèrent à circuler.

En 1927, la décoratrice américaine Elsie McNeil (appelée plus tard Elsie McNeil Lee, puis Comtesse Elsie Lee Gozzi) fut enchantée par la beauté des étoffes de Fortuny, qu'elle avait vues à Paris. S'étant rendue compte que ces étoffes pouvaient être mises sur le marché pour des résidences privées par l'intermédiaire de décorateurs et de designers, elle se rendit à Venise pour rencontrer le grand artiste. Mademoiselle McNeil le convainquit de sa propre intuition et devint bien vite sa proche confidente et l'unique distributeur de ses tissus et de ses vêtements aux Etats-Unis, au 509 de Madison Avenue. Après la mort de Mariano Fortuny, pendant une courte période, l'usine de la Giudecca resta inactive. Sur la demande insistante d'Henriette Fortuny, Elise Mc Neil Lee combla l'absence de Fortuny comme responsable opérationnelle. Elle était l'unique personne ayant une profonde connaissance des principaux aspects de l'activité - créatifs, techniques et commerciaux. Ses admirables efforts et son insistance incessante afin de maintenir le niveau de qualité élevé des tissus Fortuny contribuèrent à garantir que l'usine continue à travailler, pendant plusieurs générations après sa mort.





©Catherine Hédouin



Les jardins, les terrains et l'usine de la Giudecca

Construite sur la propriété d'un ancien couvent, très longtemps après avoir été fermé par Napoléon, l'usine de Fortuny sur l'île de la Giudecca a été ouverte en 1922. Fortuny avait acheté le terrain en 1919 à Giancarlo Stucky, un ami intime et propriétaire d'un moulin à blé dans le bâtiment adjacent. Fortuny avait besoin d'un très grand espace pour placer les machines qu'il avait inventées pour fabriquer ses tissus.

Pour couronner sa vision des choses, il fit construire l'usine selon ses instructions précises. Encore en fonctionnement aujourd'hui, elle est l'exemple monumental de l'esprit durable et entreprenant de Mariano Fortuny. De nombreuses personnes ont pu admirer la beauté de la zone sur laquelle se trouve l'usine à la Giudecca, sur invitation de la comtesse Gozzi. C'était une hôte généreuse, poussée par la passion de faire partager le phénomène Fortuny. Pour garder intacts les secrets de Mariano Fortuny, l'usine n'est pas ouverte aux visiteurs mais le jardin et le showroom sont ouverts au public sur rendez-vous.

Le Musée Fortuny à Venise, tout comme les showrooms de Venise et de New York, accueillent et exposent au public les souvenirs, les tissus et les autres oeuvres de Fortuny.



©Catherine Hédouin

©Cleia



©montage photos Catherine Hédouin



Les procédés et les méthodes de fabrication compliqués de Fortuny ne pouvaient être reproduits ailleurs, sont toujours restés un secret gardé entre les murs de l'usine sur l'île.

Cette production incroyable et unique reste intacte, utilisant encore les machines et les méthodes utilisées par Fortuny lui-même, il y a presque un siècle. Le résultat est un tissu raffiné et inégalable. Chaque pièce est une oeuvre d'art unique. Avec les soins nécessaires, les tissus de Fortuny dureront pendant des générations et des générations, en vieillissant comme tous les objets d'art anciens.

Malgré les innombrables tentatives de copier le style de Fortuny et ses méthodes brevetées, notamment dans le domaine de la production de vêtements, de tissus et de lampes, nous savons qu'aucune autre usine ne peut égaler l'excellence, la couleur et le niveau de qualité élevé de Fortuny.



©Catherine Hédouin



Il fut un véritable homme de la Renaissance, qui produisait lui-même son papier photographique, reliait ses livres et concevait ses lampes et ses meubles. Il créa un des premiers interrupteur à rhéostat, inventa un propulsif pour bateaux et fabriqua seul ses couleurs, ses teintures, ses pinceaux et ses machines.

Il modernisa l'éclairage de la scène et donna de l'impulsion au design en équipant le Fortuny Dome, qui appliquait ses théories sur la lumière indirecte et diffuse. Même si elle est souvent méconnue, son influence sur la vie d'aujourd'hui n'en est pas moins incommensurable.

En 1897, à Paris, Fortuny rencontra sa muse, Henriette Negrin (1877-1965). En 1902 elle déménagea dans sa maison-atelier à Venise, au Palais Orfei. Plusieurs années plus tard, ils se marièrent. Avec le soutien continu de Henriette, Fortuny s'épanouit.

En 1907, il entra dans l'industrie de la mode en lançant une de ses oeuvres les plus dignes d'intérêt, la robe Delphos, principalement inspirée à la sculpture grecque. Il s'agissait d'un vêtement, élégant et versatile, qui semblait réaliser l'impossible : simplicité et complexité en même temps.

Ses vêtements révolutionnaires mettaient si bien en valeur le corps féminin en mouvement que des danseurs célèbres comme Isadora Duncan les désiraient ardemment.

Peu après, Fortuny commença à travailler sur les tissus, confectionnés encore aujourd'hui. La production de ces tissus représenta le sommet de ses connaissances en matière de technique, de couleur, de design et d'art, la manifestation d'un pur génie artistique. La passion de Fortuny pour les Beaux-Arts fut constante jusqu'à sa mort, dans sa maison de Venise, en mai 1949.





©Catherine Hédouin

©Catherine Hédouin

©Catherine Hédouin

©Catherine Hédouin

©Catherine Hédouin



©Catherine Hédouin








Reportage photos de Cleia, Catherine Hédouin et Venetiamicio.

Je remercie Marjolaine Piccio pour son accueil, sa gentillesse et l'agréable moment passé avec elle, j'en aurais presque oublié de faire ces dernières images...



(la publication de ce billet et des photos autorisées par la maison Fortuny)

lundi 22 août 2011

Atmosphère vénitienne : couleurs et reflets


... On retrouve les coloris de la terre avec tout un jeu de gammes, de nuances, et l'on pourrait s'amuser à collectionner ceux de la ville : crépis jaune soleil ou rouge sanguin, rose carné des marbres, volets ombre brûlée, les ocres, les noirs, le blanc d'Istrie et les ors dans la nuit...Mais, hormis le drapé de Vierges en bois, l'oriflamme au lion et aux étoiles, des coques de bateaux, quelques tentures ou paline, le bleu semble avoir été rajouté sur la palette de la cité. Il est vrai que les peintres ont largement compensé cette carence, que le bleu est la couleur de l'ombre, que les gondoles font des efforts, comme la pluie avec ses luisances, dans le gris des pavés - si bien que l'honneur du bleu est sauf.
Bernard Neau, Venise, Miroir des signes





Chaque pont relie l'espace de pensée à un autre et le transforme en songe, garde les souvenirs d'adieux qui ont voulu se perdre dans l'eau - chacun conservant, dans les croches et les arabesques de ses rambardes, ce qu'il y a de clichés et d'éternité hâtive à travers les serments amoureux.(Bernard Neau)
Les ponts de Venise donnent le tempo à notre pas comme à l'allure des bateaux. Le staccato des diables, des caddies, à chaque marche, contraste avec la nonchalance des promeneurs, l'envol des jupes dans le vent, la flânerie d'hommes solitaires entrés dans de blondes songeries...
(Bernard Neau)
Ici, les arbres sont des individus et règnent en princes des jardins...(Bernard Neau)

samedi 20 août 2011

L'ESCALIER DE SAN PIETRO

... J'ai toujours aimé les chats. Je n'en ai jamais vu autant, à Venise, que dans le quartier populaire de San Pietro di Castello, au delà de l'Arsenal. Un jour, je m'étais installé sur le pont de bois qui franchit le canal, au bout de la fondamenta San'Anna, pour dessiner le campanile de la basilique la plus ancienne de Venise. Il semble surgir d'un océan de toits de tuiles rouges, ou prêt à s'y engloutir, comme sa forme penchée peut le faire craindre. A peine m'étais-je assis contre la rambarde du pont qu'un matou gris au poil bien fourni vint se frotter contre mes jambes, passant de l'une à l'autre en louvoyant, ronronnant d'aise. Ce manège dura un bon moment. Je me penchai pour lui gratter le crâne. J'ai commencé mon dessin quand le matou sauta sur mon bloc de papier, frottant sa tête, cette fois-ci, contre mon giron. Il me fallut faire comprendre de façon impérative à ce nouvel ami que je n'étais pas là pour jouer mais pour travailler.
Ce n'est pas la seule fois où des chats sont venus se frotter à mes jambes. Mais j'en ai vu aussi qui, assis au milieu d'une piazzetta, assistaient sans même tourner la tête et sans bouger à mes allées et venues en quête d'un sujet : sans doute n'étais-je pas le premier gribouilleur qu'ils voyaient dans les parages, comme le montrait leur air blasé...

Michel Mohrt de l'Académie française - Les dimanches de Venise.*
L'écrivain, éditeur et critique littéraire est décédé mercredi 17 août à l'âge de 97 ans .
*Peintre du dimanche, tous les jours, à Venise, sont pour moi des dimanches. J'ai retenu une chambre à la pensione où j'aime à descendre. Je puiserai mon eau dans la lagune. Venise m'attend...

©Catherine Hédouin
©Catherine Hédouin
©Catherine Hédouin
©Catherine Hédouin
©Catherine Hédouin

©Catherine Hédouin

vendredi 19 août 2011

Enchantement




Enchantement

C'est une nuit magique où le regard s'embue et les sons s'adoucissent.
Au détour d'une ruelle une volée d'escaliers nous accompagne vers la place inondée de nuages.
Au bout de la piazza aux lumières diffuses, la basilique, voilée de brumes, glorifie San Marco.
Comme dans un rêve, le spectacle irréel de Venise baignée de vapeurs d'opaline s'estompe aux premières lueurs du matin.

Photo et texte de Claudie envoyés pour les 2 ans de Venetiamicio